Dans la droite lignée des articles publiés sur notre Blog et présentant les principales mesures contenues dans le projet initial de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises (version enregistrée à la Présidence de l’Assemblée nationale le 19 juin 2018), nous vous proposons de trouver ci-après un récapitulatif des dispositions définitivement adoptées.
Pour chacun des points développés ci-après, nous vous recommandons de vous référer à nos précédents articles afin de cerner le cadre complet et le contexte des mesures en cause. En effet, le présent article a pour vocation principale d’assurer un suivi des précédentes publications y afférentes.
Nous vous rappelons que la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite « loi PACTE », a été publiée au Journal Officiel du 23 mai 2019.
CBV Avocats reste bien entendu à votre disposition pour toute question complémentaire en relation avec les points développés ci-après.
- Régime social des impatriés et régime juridique des bonus des preneurs de risques
Les mesures relatives à cette section, et qui avaient été présentées sur notre Blog (cf. notre article intitulé DIVERS – Aperçu du projet de loi PACTE : régime social des impatriés et régime juridique des bonus des preneurs de risques, publié le 31 août 2018), ont été définitivement adoptées sous l’article 77 de la loi PACTE.
Les dispositions contenues sous l’article 77 précité ont connu peu d’aménagements par rapport à celles que nous vous avions exposées l’été dernier.
En effet, concernant tout d’abord le régime social des impatriés, la loi PACTE promulgue l’instauration d’une dérogation, codifiée dans un nouvel article L. 767-2 du Code de la sécurité sociale, dont l’objet est de permettre aux salariés détachés de demander, sur démarche conjointe avec leur employeur, à ne pas être affiliés auprès des régimes obligatoires de sécurité sociale français en matière d’assurance retraite, de base et complémentaire.
Concernant le régime juridique des bonus des preneurs de risques, l’article 77 précité complète l’article L. 511-84 du Code monétaire et financier pour préciser que la possibilité de réduction de la rémunération variable des preneurs de risques constitue une dérogation à la règle de l’interdiction des sanctions pécuniaires inscrite à l’article L. 1331-2 du Code du travail. Les comportements susceptibles d’encourir de telles sanctions y sont par ailleurs définis : « le montant total de la rémunération variable peut, en tout ou partie, être réduit ou donner lieu à restitution lorsque la personne concernée a méconnu les règles édictées par l’établissement en matière de prise de risque, notamment en raison de sa responsabilité dans des agissements ayant entraîné des pertes significatives pour l’établissement ou en cas de manquement aux obligations d’honorabilité et de compétence ».
En outre, les bonus récupérables sont exclus du calcul de l’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse.
- Les offres au public d’actifs numériques
Ce dispositif avait brièvement été présenté sur notre Blog (cf. notre article intitulé CRYPTO-ACTIFS – Aperçu du projet de loi PACTE : création d’un régime français des offres de jetons, publié le 8 août 2018). Il s’avère que l’article 85 de la loi PACTE, peu modifié par rapport au projet initial, dote les offres initiales de jetons numériques (également dénommées « initial coin offering » ou ICO) d’un cadre juridique ad hoc.
Les notions de « jeton » et d’ « offre au public de jetons » sont désormais définies, respectivement, sous les articles L. 552-2 et L. 552-3 du Code monétaire et financier.
Par ailleurs, la loi PACTE instaure un régime de contrôle de ces offres par le biais d’un dispositif de visa optionnel délivré par l’AMF (cf. les articles L. 552-4 et suivants du Code monétaire et financier). Les émetteurs de jetons qui le souhaitent pourront donc demander à l’AMF de leur délivrer un visa avant toute offre, ce qui les obligera à établir un document destiné à donner toute information utile au public sur l’offre.
Par ailleurs, l’article 86 de la loi PACTE complète le volet de la loi consacré au régime des offres de jetons numériques par une série de mesures visant à réglementer l’activité des « prestataires de services sur actifs numériques », afin de sécuriser l’investissement dans ce nouveau type d’actifs.
Ces prestataires devront ainsi se faire enregistrer auprès de l’AMF afin de pouvoir exercer leur activité pour deux services en particulier : l’achat ou la vente des actifs et leur conservation pour le compte de tiers (cf. les articles L. 54-10-3 et L. 54-10-4 du Code monétaire et financier). Cela concernera donc essentiellement les plateformes d’échange de cryptoactifs.
En outre, les prestataires établis en France pourront solliciter un agrément facultatif auprès de l’AMF, ce qui permettra de faire la distinction entre les prestataires présentant des garanties suffisantes et les autres. L’AMF publiera la liste des prestataires agréés (cf. l’article L 54-10-5, VI du Code monétaire et financier).
Toutes ces nouvelles mesures sont d’ailleurs assorties de sanctions pénales et/ou d’amendes administratives auxquelles les acteurs concernés s’exposeront en cas de manquements constatés notamment par l’AMF.
- Assouplissement du PEA
Ce point avait été partiellement présenté sur notre Blog (cf. notre article intitulé REVENUS DE CAPITAUX MOBILIERS – Aperçu du projet de loi PACTE : élargissement du champ d’application du PEA-PME, publié le 13 août 2018), notamment en ce qui concerne l’élargissement du champ d’application du PEA « PME-ETI ».
Les articles 89 à 93 de la loi PACTE qui sont consacrés au PEA réforment son régime en assouplissant son fonctionnement.
Ainsi, la possibilité d’ouvrir un PEA « classique » est désormais offerte à toute personne physique majeure, même rattachée, ayant son domicile fiscal en France (cf. l’article L. 221-30 du Code monétaire et financier). En effet, jusqu’à présent, il était interdit à une personne fiscalement à charge d’être titulaire d’un PEA.
Entre cinq et huit ans, les retraits partiels d’un PEA ou d’un PEA « PME-ETI » sont désormais possibles sans que cela n’entraîne la clôture du plan et par suite la perte du régime fiscal pour les revenus encaissés et les plus-values réalisées ultérieurement. Avant cinq ans, l’article L. 221-32, II du Code monétaire et financier, aménagé par la loi PACTE, prévoit que le plan n’est pas clos lorsque le retrait ou le rachat résulte de certains évènements exceptionnels affectant le titulaire du plan ou son conjoint ou partenaire de Pacs (e.g. licenciement, mise à la retraite anticipée ou invalidité).
Corrélativement, l’article 150-0 A du Code général des impôts, complété par l’article 91, II de la loi PACTE, prévoit que lorsque le retrait (ou le rachat) n’entraîne pas la clôture du plan, le gain net imposable à l’impôt sur le revenu est alors déterminé selon les mêmes modalités que les prélèvements sociaux, au prorata du montant retiré par rapport à la valeur liquidative totale du plan.
Comme anticipé plus haut, la liste des titres pouvant figurer sur le PEA « PME-ETI » prévue à l’article L. 221-32-2 du Code monétaire et financier est complétée par la loi PACTE. Les instruments de dettes (titres participatifs, obligations à taux fixe et minibons) commercialisés par les plateformes de financement participatif (crowdlending) peuvent dorénavant être logés dans un PEA « PME-ETI ». Les obligations remboursables en actions non cotées peuvent désormais également y figurer. A noter que cette extension s’accompagne d’une mesure anti-abus codifiée à l’article 157, 5° bis du Code général des impôts afin d’éviter les risques de sous-évaluation de la valeur de souscription des obligations dans le but de contourner la règle de plafonnement des versements.
Enfin, le plafond de versements du PEA « PME-ETI » prévu à l’article L 221-32-1 du Code monétaire et financier est porté de 75 000 € à 225 000 €. Mais, pour les personnes qui possèdent à la fois un PEA « classique » et un PEA « PME-ETI », la somme des versements en numéraire effectués sur ces deux plans ne peut pas excéder la limite de 225 000 €. Corrélativement, l’article 1765 du Code général des impôts est complété afin de prévoir que le titulaire du plan qui a sciemment contrevenu aux règles de plafonds est passible d’une amende.
- Exemption ou taux réduit de forfait social en matière d’épargne salariale
Ces mesures avaient été présentées sur notre Blog (cf. notre article intitulé EPARGNE SALARIALE – Aperçu du projet de loi PACTE : le forfait social, publié le 7 août 2018) dans le cadre de notre aperçu des dispositions phares du projet de loi PACTE.
Or, si elles figuraient bien initialement dans le projet de loi PACTE, tel qu’adopté en première lecture par les députés, ces dispositions ont finalement été retirées dudit projet et insérées dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 afin de permettre une entrée en vigueur dès le 1er janvier 2019.
Ainsi, l’article 16 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 modifie l’article L. 137-15 du Code de la sécurité sociale et instaure :
- Pour les entreprises dont l’effectif est compris entre 50 et moins de 250 salariés, une exonération de forfait social sur les sommes versées au titre de l’intéressement ; et
- Pour celles de moins de 50 salariés, une exonération qui concerne aussi la participation et les sommes versées sur un plan d’épargne salariale (PEE, PEI et Perco).
En outre, l’article 16 précité a également modifié l’article L. 137-16 du Code de la sécurité sociale afin de permettre l’application du forfait social selon un taux réduit de 10% (pour rappel, le taux de droit commun est de 20%) sur l’abondement de l’entreprise au PEE destiné à l’acquisition d’actions ou de certificats d’investissement émis par elle ou par une entreprise incluse dans le même périmètre de consolidation ou de combinaison des comptes.
- Développement de l’actionnariat salarié dans les entreprises privées
Ce dispositif de la loi PACTE avait été présenté sur notre Blog (cf. notre article intitulé ACTIONNARIAT SALARIE – Aperçu du projet de loi PACTE : développement de l’actionnariat salarié dans les entreprises privées¸ publié le 21 août 2018) dans la mesure où il s’agissait de l’un des objectifs principaux du projet initial de ladite loi.
A ce titre, l’article 162 de la loi PACTE ouvre la possibilité pour l’employeur de procéder à un versement « unilatéral » sur le PEE même en l’absence de contribution du salarié.
Conformément à l’article L. 3332-11 du Code du travail, cet abondement unilatéral de l’employeur doit respecter les conditions suivantes :
- La possibilité d’un tel versement doit être prévue par le règlement du plan ;
- Le versement doit être effectué de manière uniforme pour tous les salariés, pour l’acquisition de titres émis par l’entreprise ou par une entreprise incluse dans le même périmètre de consolidation ou de combinaison des comptes ;
- Les titres ainsi acquis seront bloqués pendant un délai minimum de 5 ans à compter du versement.
A noter que ces versements unilatéraux seront soumis au même régime social et fiscal que les abondements « classiques » de l’employeur.
Il convient de remarquer également que le bénéfice d’un tel versement à l’ensemble des salariés éligibles de la société et à au moins 90% de l’ensemble des salariés éligibles de ses filiales, au sens de l’article L. 233-1 du Code de commerce, dont le siège est situé sur le territoire français constitue un nouveau cas, désormais prévu par l’article L. 225-197-6 du Code de commerce, permettant à la société de mettre en place un plan d’attribution gratuite d’actions.
Par ailleurs, l’article 163 de la loi PACTE aménage légèrement le régime d’attribution d’actions gratuites. En effet, il redéfinit les modalités de calcul des plafonds prévues par l’article L. 225-197-1 du Code de commerce (i.e. plafond d’attribution d’actions qui ne peut excéder 10% du capital social, 15% dans les sociétés dont les titres ne sont pas cotés et 30% lorsque l’attribution bénéficie à l’ensemble des salariés de la société), qui ne portent plus que sur les actions en cours d’acquisition et de conservation, et non sur l’ensemble des actions ayant fait l’objet d’un plan d’attribution durant la vie de la société.
Notons enfin que, toujours dans l’objectif de développer l’actionnariat salarié au sens large, l’article 103 de la loi PACTE modifie quelque peu le régime des bons de souscription de parts de créateur d’entreprise (BSPCE) et prévoit que ces bons pourront également être attribués aux administrateurs, aux membres du conseil de surveillance et, dans les SAS, aux membres de tout organe statutaire équivalent.