Loi PACTE et actionnariat salarié

Dans la continuité de nos précédents aperçus du projet de loi PACTE (cf. notre Blog), CBV Avocats propose d’analyser l’article 59 dudit projet de loi visant à stimuler l’actionnariat salarié dans les entreprises privées.

En effet, l’objectif affirmé de cet article est d’encourager le développement de l’actionnariat salarié, en assouplissant les modalités d’offre d’actions aux salariés dans les sociétés par actions simplifiées (SAS) et en permettant l’abondement unilatéral de l’employeur sur les fonds d’actionnariat salarié.

La première étape du développement de l’actionnariat salarié, à savoir l’assouplissement des modalités d’offre d’actions aux salariés de SAS, passe par une modification de l’article L. 227-2 du code de commerce afin de prévoir la possibilité pour ces sociétés de procéder à des « offres [d’actions ou de certificats d’investissement] adressées aux dirigeants ou aux salariés, et le cas échéant aux anciens salariés, par leur employeur ou par une société liée, dans les conditions fixées par le règlement général de l’Autorité des marchés financiers ».

Les modalités juridiques de ces offres aux salariés seraient calquées sur celles du recours au financement participatif (art. L. 411-2, I bis du code monétaire et financier). Pour ce faire, l’article 59 du projet de loi PACTE prévoit d’adapter le premier alinéa du I de l’article L. 227-2-1 du code de commerce.

En effet, à ce jour, l’article L. 227-2-1 susmentionné prévoit que les SAS peuvent avoir recours au financement participatif mais doivent néanmoins appliquer certaines règles prévues pour la consultation des actionnaires de sociétés anonymes en assemblée.

Ainsi, sur la base des ajustements proposés par l’article 59 précité, les modalités de recours au financement participatif ainsi que celles de l’offre d’actions aux salariés dans les SAS suivraient le même régime juridique.

La seconde étape du développement de l’actionnariat salarié consiste, quant à elle, à permettre l’abondement unilatéral de l’employeur sur les plans d’épargne entreprise (PEE).

A ce titre, l’article 59 du projet de loi PACTE prévoit principalement d’ajouter des alinéas à l’article L. 3332-11 du code du travail ainsi rédigés :

« En outre, si le règlement du plan le prévoit, les entreprises peuvent, même en l’absence de contribution du salarié, effectuer des versements sur ce plan, sous réserve d’une attribution uniforme à l’ensemble des salariés, pour l’acquisition d’actions ou de certificats d’investissement émis par l’entreprise ou par une entreprise incluse dans le même périmètre de consolidation ou de combinaison des comptes sens du deuxième alinéa de l’article L. 3344-1. »

« Les actions ou certificats d’investissement ainsi acquis par le salarié ne sont disponibles qu’à l’expiration d’un délai minimum de cinq ans à compter de ce versement. »

« Les plafonds de versement annuel ainsi que les modalités de versement sont fixés par décret. »

« Ces versements sont soumis au même régime social et fiscal que les versements des entreprises mentionnés au premier alinéa. »

Rappelons qu’à ce jour, l’article L. 3332-11 précité prévoit que le versement complémentaire de l’entreprise sur les PEE est encadré comme suit :

  • Les sommes versées annuellement par une ou plusieurs entreprises pour chaque salarié ou ancien salarié ne peuvent excéder un plafond fixé à 8 % du montant annuel du plafond de la sécurité sociale dans la limite du triple de la contribution du bénéficiaire (i.e. les abondements annuels). Tout versement excédentaire constitue un complément de rémunération imposable à l’impôt sur le revenu au nom du bénéficiaire ;
  • En outre, l’entreprise peut majorer son versement à concurrence du montant consacré par le salarié ou ancien salarié à l’acquisition d’actions ou de certificats d’investissement émis par l’entreprise ou par une entreprise liée, sans que cette majoration ne puisse excéder 80 % (i.e. les abondements complémentaires).

A ce cadre législatif actuel, le projet de loi PACTE propose donc d’ajouter la possibilité pour l’employeur de procéder à un versement complémentaire, même en l’absence de contribution du salarié, pour l’acquisition d’actions ou de certificats d’investissement émis par l’entreprise ou par une société liée (i.e. l’abondement unilatéral). Les plafonds de versement annuel pour cet abondement unilatéral ainsi que les modalités de versement seraient fixés ultérieurement par décret.

Néanmoins, dans le projet de loi précité, ces versements unilatéraux seraient possibles uniquement si :

  • Le règlement du plan prévoit cette possibilité pour l’employeur ; et
  • L’employeur procède à une attribution uniforme à l’ensemble des salariés.

Par ailleurs, les actions ou certificats d’investissement ainsi acquis par les salariés ne seraient disponibles qu’à l’expiration d’un délai minimum de cinq ans à compter de l’abondement unilatéral de l’employeur.

Enfin, ces versements unilatéraux seraient soumis au même régime fiscal et social que les abondements annuels/complémentaires.

Côté employeur, cela signifie que ces abondements seraient en principe :

  • Déduits par l’entreprise de son bénéfice pour l’assiette de l’impôt sur les sociétés ou de l’impôt sur le revenu, selon le cas ;
  • Exonérés de cotisations sociales patronales ordinaires ; mais
  • Soumis à la taxe sur les salaires et au forfait social.

Coté adhérent au PEE (salarié), ces abondements seraient donc :

  • Exonérés de l’impôt sur le revenu ;
  • Exonérés de cotisations sociales salariales ordinaires ; mais
  • Soumis à la CSG/CRDS sur les revenus d’activité et de remplacement qui doit être précomptée et versée à l’URSSAF par l’employeur lors du versement de l’abondement sur le PEE.

Bien que saluant l’initiative du gouvernement, nous pouvons cependant regretter que cette redynamisation de l’actionnariat salarié français fasse l’impasse sur des dispositifs phares de la matière comme les options de souscription ou d’achat d’actions (i.e. les stock-options). En effet, contrairement au régime d’attribution d’actions gratuites (encore modifié à l’occasion de l’adoption de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018), depuis le choc fiscal de 2012, les textes régissant les stock-options font office de lettre morte tant le régime fiscal et social applicable, particulièrement contraignant, en limite l’attractivité pour les entreprises et les salariés.

CBV Avocats ne manquera pas de vous tenir informés des évolutions afférentes aux dispositions étudiées dans ce bref aperçu lors de la prochaine rentrée parlementaire.

Disposant par ailleurs d’une importante expertise en la matière, nous restons à votre disposition pour tout renseignement complémentaire.