Projet de loi Pacte, régime social des impatriés et bonus des preneurs de risques

Dans la continuité de nos précédents aperçus du projet de loi PACTE (cf. notre Blog) qui sera discuté très prochainement à l’Assemblée Nationale, nous vous présentons deux nouvelles mesures intéressantes contenues à l’article 23 dudit projet de loi.

Cet article rassemble un ensemble de mesures destinées à poursuivre le renforcement de l’attractivité de la place financière française. Nombre de ces mesures sont d’ailleurs directement issues des contributions de la place financière, qu’il s’agisse des retours de consultation sur la désurtransposition, des travaux du Haut comité juridique de place, des annonces intervenues le 22 janvier 2018 à Versailles dans le cadre du sommet #ChooseFrance, ou des réflexions internes de l’AMF et de l’ACPR.

Les deux mesures faisant l’objet du présent aperçu sont les suivantes :

  1. La possibilité pour les salariés appelés de l’étranger à occuper un emploi en France (i.e. les impatriés) d’obtenir une dispense d’affiliation auprès des régimes obligatoires de sécurité sociale français en matière d’assurance vieillesse de base et complémentaire ; et
  2. La possibilité de récupérer les bonus versés aux preneurs de risques travaillant au sein des établissements bancaires, sociétés de gestion et entreprise d’investissement et d’ôter lesdits bonus de la référence utilisée pour le calcul des indemnités de licenciement et de l’assiette de l’indemnité accordée par le juge en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse ou nul.

1. Régime social des impatriés

L’article 23 précité propose de compléter le chapitre VII du titre VI du livre VII du code de la sécurité sociale par une section 2 contenant un nouvel article L. 767-2 lequel assujettirait la dispense d’affiliation susmentionnée à une double condition :

  • Être déjà affilié à un régime d’assurance dans la mesure où le texte exige que soit justifiée une contribution minimale versée au titre de l’assurance vieillesse (un décret précisera les conditions d’application) ;
  • Ne pas avoir été affilié, au cours des cinq années précédant la demande, à un régime français obligatoire d’assurance vieillesse (sauf activités accessoires).

L’exemption serait accordée par le directeur de l’URSSAF compétente pour une durée de trois ans renouvelable une fois.

Par voie de conséquence, la période couverte par cette exemption n’ouvrirait droit à aucune prestation d’un régime français d’assurance vieillesse.

En cas de méconnaissance des conditions d’exemption énoncées ci-dessus, la sanction prévue par le projet de texte consiste en l’annulation de l’exemption et le versement, par l’employeur ou le responsable de l’entreprise d’accueil, aux autres organismes collecteurs concernés, d’une somme égale à une fois et demie le montant des contributions et cotisations qui auraient été dues si le salarié n’avait pas bénéficié de l’exemption.

L’exposé des motifs des dispositions susvisées souligne que le principe de cette exemption temporaire est justifié par les considérations suivantes :

  • Les impatriés peuvent être considérés comme étant dans une situation spécifique au regard des régimes de retraite, dès lors qu’ils sont en situation de transition professionnelle et ne bénéficieront pas du régime de retraite pour la période de la dispense ;
  • Un motif d’intérêt général justifie cette différence de traitement, la mesure contribuant à renforcer l’attractivité du territoire français et permet de répondre aux besoins de faciliter les mobilités professionnelles et une installation en France.

Il convient de préciser que ce nouveau régime social de l’impatriation est distinct du régime fiscal des impatriés codifié à l’article 155 B du code général des impôts. Un cumul devrait néanmoins être possible si les conditions requises par chacun des régimes sont remplies.

2. Aménagement du régime juridique des bonus versés aux preneurs de risques

L’article 23 précité vise également à rendre possible :

  • La récupération des bonus des preneurs de risques (ou claw-back) travaillant au sein des établissements de crédit, sociétés de gestion de portefeuille et entreprises d’investissement. Cette mesure permettrait d’expliciter le fait que l’article L. 1331-2 du code du travail relatif à l’interdiction des amendes et sanctions pécuniaires ne s’applique pas à la rémunération variable qui peut être réduite ou donner lieu à restitution en fonction des agissements ou du comportement de la personne concernée ; et
  • L’exclusion des bonus récupérables de la référence utilisée pour le calcul des indemnités de licenciement et de l’assiette de l’indemnité accordée par le juge en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse ou nul, compte tenu de leur caractère incertain.

Pour rappel, ces dispositions avait déjà fait l’objet d’une tentative d’adoption lors de l’étude du projet de loi ratifiant diverses ordonnances prises sur le fondement de la loi n° 2017-1340, du 15 septembre 2017 d’habilitation à prendre les mesures pour le renforcement du dialogue social, n° 237, déposé le mercredi 27 septembre 2017 à l’Assemblée Nationale.

En effet, un amendement n° 372 avait été adopté en ce sens en première lecture à l’Assemblée Nationale. Ces dispositions avaient ensuite été adoptées en l’état (hormis quelques petits ajustements de coordination juridique du texte en première lecture au Sénat) en lecture définitive sous l’article 12 dudit projet de loi.

Cependant, ces dispositions ont ensuite été censurées lors de la saisine du Conseil constitutionnel puisqu’adoptées selon une procédure contraire à la Constitution (cf. Décision n° 2018-761 DC du Conseil Constitutionnel du 21 mars 2018).

Ainsi, la loi n° 2018-217 du 29 mars 2018 définitivement promulguée à l’issue de la censure partielle du Conseil constitutionnel ne contenait plus ces mesures.

C’est pourquoi le gouvernement a décidé de les réintégrer dans le projet de loi PACTE.

Nous ne manquerons pas de vous tenir informés de l’évolution des mesures sus évoquées lors de l’étude du projet de loi PACTE au Parlement.

Disposant par ailleurs d’une importante expertise en la matière, nous restons à votre disposition pour tout renseignement complémentaire.