Dans la droite ligne de notre article du 5 septembre 2018 (Les prélèvements sociaux ne sont-ils toujours pas euro-compatibles ?), dans lequel nous faisions état de l’arrêt de la Cour administrative d’appel (CAA) de Nancy du 31 mai 2018, censurant les effets de la réaffectation budgétaire des prélèvements sociaux effectuée par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2016 (LFSS 2016) au regard de la jurisprudence européenne De Ruyter, nous revenons ici sur les aménagements contenus dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 (LFSS 2019).
En effet, l’article 26 de la LFSS 2019 a procédé à une nouvelle réaffectation des prélèvements sociaux sur les revenus du capital, hors CSG et CRDS.
L’exposé des motifs du projet initial de la LFSS 2019 concernant cet aménagement expose que la nouvelle réaffectation proposée « vise à simplifier les relations financières entre l’Etat et la sécurité sociale. La réaffectation permet aussi de fusionner ces prélèvements qui se sont sédimentés sur une même assiette à raison d’affectataires historiquement différents, mais qui n’ont plus lieu d’être distingués compte tenu de cette réaffectation. »
En effet, avant l’entrée en vigueur de la LFSS 2019, les prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine et des produits de placement se décomposaient comme suit :
- La CSG, au taux de 9,9 %, en vertu du 2° du I de l’article L. 136-8 du code de la sécurité sociale (CSS) ;
- La CRDS, au taux de droit commun de 0,5 % ;
- Le prélèvement social au taux de 4,5 %, aux termes, respectivement, des articles L. 245-14 et L. 245-15 du CSS ;
- Une contribution additionnelle à ces prélèvements sociaux, au taux de 0,3 %, du fait des dispositions du 2° de l’article L. 14-10-4 du code de l’action sociale et des familles ; et
- Un prélèvement de solidarité, au taux de 2 % au bénéfice de l’État, instauré respectivement aux articles 1600-0 F bis et 1600-0 S du code général des impôts (CGI).
Le taux cumulé de l’ensemble de ces prélèvements s’élevait donc à 17,2 %.
Or, l’affectation à des organismes de sécurité sociale d’une grande partie d’entre eux a été à l’origine de la jurisprudence européenne évoquée supra. En effet, rappelons que la CJUE n’a notamment pas retenu la distinction, pertinente en droit français, entre cotisations créatrices de droits sur les organismes de sécurité sociale, et impositions de toutes natures, non créatrices de tels droits, et ne se fonde que sur le critère de l’affectation du prélèvement à la sécurité sociale.
En revanche, il convient de noter que la même juridiction a précisé que ces considérations ne valent qu’au sein d’un espace regroupant les États membres de l’Union européenne (UE), les États parties à l’accord sur l’Espace économique européen (EEE) et la Suisse.
C’est à la suite de cette jurisprudence que l’article 24 de la LFSS 2016 a procédé à une vaste réaffectation de ces prélèvements.
Depuis lors, la CAA de Nancy dans son arrêt précité a pu constater la fragilité de cette réaffectation et a remis en cause l’euro-compatibilité de cette dernière.
C’est pourquoi, l’article 26 de la LFSS 2019 procède à une refonte de la sédimentation des prélèvements sociaux et de l’affectation y afférente. Cette approche sonne donc comme un aveu, de la part du législateur, abondant dans le sens d’une euro-incompatibilité des prélèvements sociaux perçus antérieurement à cette nouvelle réaffectation dès lors qu’ils étaient versés par des contribuables relevant d’un régime de sécurité sociale au sein de l’UE, l’EEE ou la Suisse et ne relevant donc pas du régime obligatoire français.
A ce titre, le présent article 26 propose, d’une part, de diminuer le taux de la CSG frappant les revenus du patrimoine et les revenus de placement et, d’autre part, de fusionner les prélèvements auxquels ces mêmes revenus sont assujettis, hors CSG et CRDS, au sein d’un nouveau prélèvement de solidarité établi au bénéfice de l’État.
Les prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine et les produits de placement, dont le taux global de 17,2 % ne change pas, se décomposent désormais comme suit :
- La CSG, au taux majoré de 9,2 %, en vertu du 2° du I de l’article L. 136-8 du CSS ;
- La CRDS, au taux de droit commun de 0,5 % ; et
- Un prélèvement de solidarité de 7,5 % codifié au sein d’un nouvel article 235 ter du CGI.
Dans cette configuration, les dispositions législatives régissant les prélèvements supprimés ont naturellement été abrogées et la coordination rédactionnelle de celles impactées a été assurée.
Outre cette nouvelle réaffectation, les dispositions législatives adoptées intègrent désormais expressément, pour les personnes relevant d’un régime de sécurité sociale au sein de l’UE, l’EEE ou la Suisse, l’exonération de CSG et de CRDS sur leurs revenus du patrimoine (art. L. 136-6, I ter du CSS) et produits de placement (art. L. 136-7, I ter du CSS), à condition de ne pas être à la charge d’un régime obligatoire de sécurité sociale français.
Ces personnes restent en revanche redevables du prélèvement de solidarité de 7,5 % précité, dans la mesure où ce prélèvement est entièrement affecté à l’Etat (art. 235 ter, II du CGI).
Sous réserve de certaines exceptions, ces modifications s’appliquent aux faits générateurs d’imposition intervenant à compter du 1er janvier 2019 pour les produits de placement et à compter de l’imposition des revenus 2018 pour les prélèvements assis sur les revenus du patrimoine.
CBV Avocats réitère donc une nouvelle fois sa recommandation, pour les différents contribuables concernés, d’adresser des demandes de remboursements à l’administration fiscale pour les revenus ayant supporté ces prélèvements sociaux indus avant l’entrée en vigueur de ces nouvelles dispositions.
CBV Avocats reste bien entendu à la disposition des contribuables désireux d’entreprendre ces démarches auprès de l’administration fiscale pour les assister.