Nous revenons ici sur une décision rendue le 12 décembre 2018 par le Conseil d’Etat (CE 12 déc. 2018, n° 414088) qui a très justement tiré les conséquences de l’importance du secret professionnel de l’avocat en préservant les intérêts du bénéficiaire de celui-ci en matière de contentieux fiscal.
En effet, l’article 66-5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques prévoit que sont couvertes par le secret professionnel les correspondances échangées par l’avocat et son client.
A ce titre, l’article 2 du Règlement Intérieur National (RIN) de la profession d’avocat nous rappelle que le secret professionnel de l’avocat est d’ordre public, général, absolu et illimité dans le temps. Par ailleurs, l’article 226-13 du Code pénal dispose que « la révélation d’une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire soit par état ou par profession, soit en raison d’une fonction ou d’une mission temporaire, est punie d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende. »
Le client, quant à lui, n’est en revanche pas tenu au secret professionnel. C’est pourquoi il est classiquement admis qu’il puisse notamment communiquer à un tiers la copie d’une lettre qu’il avait adressée à son avocat sans exposer cette communication à une annulation pour violation de l’article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971 (voir en ce sens Cass. 1re civ., 4 avr. 2006, n° 04-20735). De même, il lui est possible de produire en justice les correspondances qui lui ont été adressées par son avocat sans exposer cette communication à une annulation pour violation de l’article 66-5 précité (cf. notamment Cass. civ. 1re, 30 mai 2013, n° 12-24090 ou encore Cass. com. 8 déc. 2015, n° 14-20521).
Dès lors, si le secret professionnel est absolu et illimité dans le temps pour l’avocat, il n’est que relatif pour le client.
Dans la décision du Conseil d’Etat du 12 décembre 2018, objet de notre attention aujourd’hui, les magistrats mettent en application ces différents principes encadrant le secret professionnel dans le cadre du contentieux fiscal. Le dispositif général de l’arrêt est le suivant : l’administration fiscale ne peut utiliser une correspondance échangée entre le contribuable et son avocat pour procéder à une rectification que si le contribuable a préalablement donné son accord à la révélation du contenu de cette correspondance.
Les hauts magistrats administratifs commencent par constater que l’article 66-5 susmentionné prévoit que le secret professionnel couvre l’ensemble des correspondances échangées entre l’avocat et son client avant de noter que cette obligation ne s’impose pas à ce dernier qui peut décider de lever ledit secret sans y être contraint.
Dès lors, dans le cadre d’une opération de vérification de comptabilité d’un contribuable, la circonstance que l’administration ait pris connaissance du contenu d’une correspondance échangée entre un contribuable et son avocat est sans incidence sur la régularité de la procédure d’imposition suivie à l’égard de ce contribuable si, et seulement si, celui-ci a préalablement donné son accord en ce sens.
En revanche, la révélation du contenu d’une correspondance échangée entre un contribuable et son avocat vicie la procédure d’imposition et entraîne la décharge de l’imposition lorsque, à défaut de l’accord préalable du contribuable, le contenu de cette correspondance fonde tout ou partie de la rectification.
Cette décision du Conseil d’Etat censure celle de la Cour administrative d’appel (CAA) de Paris rendue le 7 juillet 2017 (n° 15PA03385) qui avait considéré que si les dispositions de l’article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971 s’opposent à ce que l’administration exige la production d’une consultation d’un avocat pour son client, s’en saisisse et la communique à des tiers, elles ne font pas obstacle à ce que, lors d’une vérification de comptabilité où une telle consultation, destinée à un associé de la société vérifiée, figure parmi les documents transmis au vérificateur, l’administration en prenne connaissance et, le cas échéant, en fasse usage pour redresser les impositions personnelles de cet associé.
La CAA de Paris s’était en effet contentée de constater que cette correspondance (dont il n’était pas contesté qu’elle avait fondé l’imposition en litige) avait été révélée par le contribuable, bénéficiaire du secret professionnel, sans rechercher si le contribuable avait donné son accord préalable à cette révélation, ce que le Conseil d’Etat censure. Or, il résultait des faits de l’espèce que le contribuable avait immédiatement refusé toute prise de copie par le vérificateur de la consultation juridique dont ce dernier avait pu prendre connaissance lors des opérations de contrôle dans les locaux de la société.
Ainsi, le Conseil d’Etat, qui s’était déjà prononcé en la matière dans des affaires qui concernaient la personne tenue au secret (CE 24 juin 2015 n° 367288, rendu à propos d’un pharmacien ou CE 15 fév. 2016 n° 375667, rendu à propos d’un avocat), rend une décision concernant cette fois le client, bénéficiaire du secret professionnel.
Cette décision ne peut qu’être approuvée en ce qu’elle rationalise le caractère relatif du secret professionnel lorsqu’il concerne le bénéficiaire de ce dernier outre asseoir l’importance dudit secret dans les rapports entre les avocats et leurs clients. La matière fiscale ne fait donc pas office d’exception.
CBV Avocats reste bien entendu à la disposition des différents contribuables désireux d’être accompagnés dans les méandres du contentieux fiscal, expertise spécifique de notre cabinet.