Cet épisode fait écho à l’épisode 13 de la saison 02 de notre podcast dédié à la fiscalité des trusts.
Vous vous interrogez peut-être sur la pertinence du recours à cet outil juridique et donc sur les conséquences fiscales y afférentes en France. Vous trouverez ci-après quelques éléments de réponse.
Pour rappel, le trust est une institution juridique originale qui nous vient du droit anglosaxon. Le mécanisme qui sous-tend le trust est le suivant : il s’agit de confier des actifs à un tiers, à charge pour celui-ci de les gérer dans un but prédéterminé, et transférer ainsi leur propriété juridique tout en conservant une sorte de droit de regard plus ou moins étendu en fonction des volontés exprimées lors de la constitution du trust.
Le Code général des impôts définit le trust comme l’ensemble des relations juridiques créées, dans le droit d’un État autre que la France, par une personne, qui a la qualité de constituant, par acte entre vifs ou à cause de mort, en vue d’y placer des biens ou droits, sous le contrôle d’un administrateur (ou trustee), dans l’intérêt d’un ou de plusieurs bénéficiaires ou pour la réalisation d’un objectif déterminé (art. 792-0 bis, I-1 du Code général des impôts).
Les trusts sont susceptibles d’être soumis à plusieurs types d’imposition en France :
- L’impôt sur le revenu ;
- Les droits de mutation à titre gratuit ;
- L’impôt sur la fortune immobilière (ou IFI) ou, le cas échéant, un prélèvement spécifique sur les trusts ;
- La taxe patrimoniale à 3%.
Bien que les situations pratiques quant à l’imposition des trusts au regard de ces impôts puissent être extrêmement complexes, nous allons essayer d’en présenter les grandes lignes.
Lorsqu’un bénéficiaire résident de France reçoit des revenus provenant d’un trust étranger, les produits perçus sont imposables à l’impôt sur le revenu dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers et soumis au prélèvement forfaitaire unique (ou PFU) de 30 %, sauf option pour le barème progressif de l’impôt sur le revenu (article 120, 9° du Code général des impôts).
Il n’y a d’ailleurs pas lieu de s’intéresser à l’origine des produits qui sont « redistribués » par le trust. En effet, quelle que soit l’origine des produits en cause (e.g. revenus de valeurs mobilières, revenus immobiliers, plus-values, etc.), leur versement par un trust étranger à un résident de France est qualifié fiscalement de revenus de valeurs mobilières (BOI-RPPM-RCM-10-30-10-10 n° 130).
En matière de droits de mutation à titre gratuit, il faut distinguer deux problématiques : la mise en trust d’un bien français et la transmission d’un bien ou droit mis en trust.
Lorsqu’un bien français est mis en trust, il faut déterminer s’il s’agit ou non d’une mutation imposable en France. S’il s’agit d’un trust dit révocable, on s’accorde en général à penser que le bien n’est pas, en réalité, sorti du patrimoine du constituant, qui reste donc le véritable propriétaire. Dans cette situation, il n’y aurait pas de transfert de propriété ni, par conséquent, de droit de mutation.
En revanche, s’il s’agit d’un trust dit irrévocable, la question est plus délicate et la jurisprudence pas véritablement tranchée. En pareil cas, il y a en effet un risque de donation indirecte qui engendrerait donc des droits de mutation en cas de transmission des biens ou droits placés en trust, c’est-à-dire, le plus souvent, au décès du constituant.
Passons maintenant à la problématique de la transmission d’un bien ou droit mis en trust.
Tout d’abord, lorsque les transmissions à titre gratuit réalisées par l’intermédiaire d’un trust peuvent être qualifiées de donation ou succession, elles sont soumises aux droits de mutation correspondants (droits de donation ou de succession) compte tenu du lien de parenté entre le constituant et le bénéficiaire (article 792-0 bis, II-1 du Code général des impôts).
Lorsqu’au contraire les transmissions réalisées par l’intermédiaire d’un trust ne peuvent pas être qualifiées de donation ou succession et qu’en conséquence les droits de mutation à titre gratuit ne peuvent pas être appliqués selon les règles de droit commun, le législateur a institué une règle spécifique de taxation aux droits de mutation par décès, applicable au décès du constituant, que les biens, droits ou produits capitalisés soient transmis au décès du constituant ou à une date postérieure (article 792-0 bis, II-2 du Code général des impôts). Dans ce dernier cas, trois situations peuvent se présenter :
- Si, à la date du décès, la part des biens, droits ou produits capitalisés qui est due à un bénéficiaire est déterminée, cette part est soumise aux droits de mutation par décès selon le lien de parenté entre le constituant et le bénéficiaire ;
- Si, à la date du décès, une part déterminée des biens, droits ou produits capitalisés est due globalement à des descendants du constituant (l’administration indique qu’il s’agit du cas de la « transmission » d’une part globale à des descendants du constituant sans qu’il soit possible de la répartir entre eux : BOI-ENR-DMTG-30 n° 120), cette part est soumise à des droits de mutation à titre gratuit par décès au taux de 45%. Le cas échéant, il s’agit de droits de mutation à titre gratuit sui generis qui doivent être acquittés par l’administrateur du trust (ou trustee) ;
- Dans les autres cas (par exemple, si les biens demeurent dans le trust ou s’il y a transmission collective incluant des personnes ne descendant pas du constituant décédé) : la valeur des biens, droits ou produits capitalisés placés dans le trust est, le cas échéant, soumise à des droits de mutation à titre gratuit par décès au taux de 60 %. Là encore, il s’agit de droits de mutation à titre gratuit sui generis qui doivent être acquittés par l’administrateur du trust.
En matière d’IFI maintenant, la loi prévoit que les actifs immobiliers entrant dans le champ de l’IFI et qui sont placés dans un trust sont compris dans le patrimoine du constituant, ou dans celui du ou des bénéficiaires réputés constituants, pour leur valeur vénale nette au 1er janvier de l’année d’imposition (article 970 du Code général des impôts).
Pour rappel, le bénéficiaire d’un trust dont le constituant originel est décédé est traité comme un bénéficiaire réputé constituant. Ainsi, si les biens et droits restent dans le trust de génération en génération, la taxation est opérée selon les mêmes modalités entre les bénéficiaires successifs.
En parallèle de l’IFI, la loi a institué un prélèvement spécifique pour les redevables de l’IFI qui ne déclareraient pas régulièrement les actifs immobiliers placés dans un trust. Lorsque ce prélèvement spécifique est applicable, celui-ci ne se cumule pas avec l’IFI. Ce prélèvement, qui est en quelque sorte un prélèvement-sanction, est calculé au tarif le plus élevé de l’IFI, soit actuellement 1,5 % (article 977 du Code général des impôts).
Selon l’administration fiscale, les redevables légaux du prélèvement sont les constituants et les bénéficiaires réputés constituants (BOI-PAT-IFI-20-20-30-20 n° 150). Le redevable est cependant, en réalité, l’administrateur du trust (ou trustee) qui est censé procéder à la déclaration annuelle du trust.
En effet, l’administrateur d’un trust est tenu à diverses obligations déclaratives si le trust présente un élément de rattachement avec la France (article 1649 AB du Code général des impôts) :
- La déclaration due au titre de la constitution, la modification ou l’extinction du trust est appelée « déclaration événementielle » (elle est faite au moyen du formulaire n° 2181-TRUST1, à déposer dans le mois qui suit la réalisation de l’événement à déclarer) ;
- La déclaration de la valeur vénale au 1er janvier de l’année des biens, droits et produits capitalisés composant le trust est appelée « déclaration annuelle des valeurs » (elle est faite au moyen du formulaire n° 2181-TRUST2, à déposer au plus tard le 15 juin de chaque année, éventuellement accompagnée du paiement du prélèvement spécifique).
Le service compétent pour recevoir ces déclarations est, depuis le 2 novembre 2020, la recette des non-résidents (10 rue du Centre, TSA 50014, 93465 Noisy-le-Grand Cedex).
Il convient de noter que les infractions aux obligations déclaratives sont passibles d’une amende fixe de 20 000 € (article 1736, IV bis Code général des impôts). Cette amende est la seule applicable en cas de simple défaut déclaratif, mais les manquements sont également sanctionnés par une majoration de 80 % calculée sur les droits dus en cas de rectification du fait des actifs immobiliers qui auraient dû être déclarés aux fins de l’IFI ou du prélèvement spécifique. Le montant de cette majoration ne peut être inférieur à l’amende fixe mais elle ne se cumule pas avec cette amende ni avec d’autres majorations (article 1729-0 A du Code général des impôts).
Lorsque les obligations déclaratives n’ont pas été respectées, le droit de reprise de l’administration est de dix ans (article L. 169 du Livre des procédures fiscales en ce qui concerne l’impôt sur le revenu et article L. 181-0 A du même code en ce qui concerne les droits de mutation à titre gratuit et l’IFI).
Enfin, il convient de rappeler que les trusts sont en principe redevables de la taxe annuelle de 3 % applicable sur la valeur vénale de des immeubles ou droits réels qu’ils détiennent (article 990 D du Code général des impôts). Néanmoins, sous réserve de respecter les conditions requises, les trusts peuvent prétendre au bénéfice des nombreuses exonérations prévues à l’article 990 E du Code général des impôts. En effet, d’un point de vue pratique, l’exigibilité de cette taxe est assortie de si nombreuses exceptions qu’elle ne s’applique que lorsque les entités qui détiennent directement ou indirectement les immeubles sont constituées dans des « paradis fiscaux » ou lorsque les entités concernées sont négligentes ou insuffisamment précises quant aux renseignements à fournir à l’administration pour bénéficier d’une exonération.
En espérant que ces quelques éléments vous permettront de mieux appréhender les grandes lignes de la fiscalité des trusts, n’hésitez pas à nous contacter en cas de questions.