Demande en restitution des prélèvements sociaux

Les prélèvements sociaux perçus sur les revenus du capital ne passent pas l’épreuve de l’euro-compatibilité avec la réglementation européenne sur la sécurité sociale. Les contribuables sont donc fondés à adresser des demandes en restitution à l’administration fiscale.

Réagissant aux conséquences de la jurisprudence De Ruyter, – arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) du 26 février 2015 dans l’affaire C-623/13 puis du Conseil d’Etat (CE) le 27 juillet 2015 n° 334551 – l’article 24 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2016 (loi 2015-1702 du 21 décembre 2015) a modifié l’affectation budgétaire des prélèvements sociaux sur les revenus du capital avec pour objectif de tirer les conséquences de cette jurisprudence.

Cette réaffectation, en son temps, avait déjà fait l’objet de nombreuses critiques de la part des auteurs et praticiens (et de certains parlementaires : voir par exemple le Rapport n° 191 de M. Jean-Marie VANLERENBERGHE, fait au nom de la commission des affaires sociales du Sénat, déposé le 25 novembre 2015) dans la mesure où elle procède d’une interprétation douteuse des textes et de la jurisprudence européenne y afférente.

Il n’en demeure pas moins qu’à l’issue de cette réaffectation, sur un total de 15,5% de prélèvements sociaux (désormais 17,2%) :

  • 12,95% sont affectés à la première section du Fonds de solidarité vieillesse (FSV) ;
  • 1,1% à la Caisse d’amortissement de la dette sociale (Cades) ; et
  • 1,45% à la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA).

Cette nouvelle réaffectation ne modifie pas néanmoins le champ et les modalités d’application des prélèvements. Ainsi, la loi maintient l’application des prélèvements sociaux sur les revenus du capital aux personnes fiscalement domiciliées en France, peu important qu’elles y soient ou pas affiliées à un régime social obligatoire. De même, elle maintient l’imposition des non-résidents aux prélèvements sociaux sur leurs revenus fonciers et plus-values immobilières de source française.

Cette réaffectation s’applique aux produits des impositions assises sur les opérations dont le fait générateur intervient à compter du 1er janvier 2016, à l’exception des dispositions relatives aux impositions sur les revenus du patrimoine, qui s’appliquent aux produits recouvrés par la voie des rôles émis à compter du 1er janvier 2016.

En d’autres termes, sont concernés les revenus de placement dont le fait générateur de l’imposition aux prélèvements sociaux intervient à compter de cette date et les revenus du patrimoine perçus à compter de 2015 (e.g. revenus fonciers de source française perçus en 2015 par des non-résidents).

Par le biais de ces réajustements, le législateur entendait rendre les prélèvements sociaux perçus sur les revenus du capital, à compter de la date d’entrée en vigueur de ces dispositions, compatibles avec les textes européens régissant la matière. C’est pourquoi les demandes de restitution des prélèvements sociaux indûment acquittés ne pouvaient porter que sur les années antérieures à l’entrée en vigueur de ces nouvelles dispositions, dans la limite de la prescription.

Or, la Cour administrative d’appel (CAA) de Nancy, dans son arrêt du 31 mai dernier, n° 17NC02124, a (très légitimement à notre sens) censuré les effets de cette réaffectation et remis en cause la compatibilité de cette dernière avec la jurisprudence De Ruyter.

La CAA de Nancy souligne en particulier que « le législateur de l’Union européenne a notamment expressément entendu soumettre à l’application [du Règlement (CE) n°883/2004 portant coordination des systèmes de sécurité sociale] les prestations en espèces non contributives ayant un caractère mixte ».

Elle constate dès lors que le FSV, en ce qu’il finance même partiellement des prestations de sécurité sociale entrant dans le champ du règlement n° 883/2004, reste régi par le principe d’unicité de la législation posé par l’article 11 dudit règlement. Les 12,95% de prélèvements sociaux affectés au FSV ne sont donc pas euro-compatibles.

Même constat pour une imposition dont le produit est affecté, même partiellement, à la Cades. Les 1,1% de prélèvements sociaux affectés à la Cades ne sont donc également pas euro-compatibles.

Seule une mince portion de ces prélèvements sociaux (i.e. les 1,45% affectés à la CNSA) a fait l’objet d’une question préjudicielle à la CJUE obligeant la CAA de Nancy à surseoir à statuer dans l’attente que les juges européens tranchent la question de savoir si la CNSA présente un lien suffisamment étroit avec certaines branches de la sécurité sociale.

En conséquence, la CSG, la CRDS, le prélèvement social et le prélèvement de solidarité perçus sur les revenus du capital sont, en l’état, susceptibles de contrevenir au principe d’unicité de la législation dès lors que ces impositions sont dues par des personnes affiliées à un régime de sécurité sociale d’un pays autre que la France (sous réserve également d’une éventuelle censure par le Conseil d’Etat que l’administration fiscale devrait très vraisemblablement saisir).

C’est pourquoi, CBV Avocats encourage les contribuables concernés à adresser des demandes de remboursements à l’administration fiscale pour les revenus ayant supporté ces prélèvements sociaux indus depuis 2015.

Nous pensons notamment aux prélèvements sociaux acquittés sur les revenus fonciers et/ou plus-values immobilières perçus par des contribuables affiliés à un régime de sécurité sociale d’un pays européen autre que la France.

CBV Avocats reste bien entendu à la disposition des contribuables désireux d’entreprendre ces démarches auprès de l’administration fiscale.